29/07/2016 : Peut-on juger une personne qui n’est plus en possession de toutes ses facultés intellectuelles ?


 

Si l'article 122-1 du Code pénal prévoit que « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », il reste taisant sur la situation de la personne qui est atteinte de tels troubles, non pas au moment des faits mais lors de son jugement.


Dans le silence de la loi, la jurisprudence de la Cour de cassation a établi qu'il n'était pas possible de juger une personne dont l'état de conscience n'est pas total. Dans ce cas de figure, l'action publique est suspendue – c'est-à-dire que la prescription ne court pas – et le Tribunal sursoie à statuer jusqu'à ce que le prévenu recouvre ses facultés mentales.

Dans un cas où une personne est poursuivie pour des faits remontant à plus de quinze ans et qui n'est plus en capacité médicalement constatée de comparaître et d'exercer sa défense, le Tribunal correctionnel de Lyon a décidé que des « poursuites pénales ne peuvent être conduites que contre un individu conscient, responsable et capable de se défendre de l'accusation portée contre lui. » Par conséquent, il a ordonné une nouvelle expertise médicale du prévenu afin de déterminer si son état de santé avait évolué et permettait, ou non, de le juger.

Le Ministère Public a interjeté appel de cette décision.  

La Cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 28 avril 2016, a confirmé la décision du Tribunal correctionnel en estimant que « le juge pénal doit s'assurer que que le prévenu est en état de se défendre au moment où il comparait et qu'il n'en est pas empêché par une déficience grave de son état de santé ; qu'il lui appartient lorsque le prévenu est atteint d'une incapacité médicalement constatée ne lui permettant pas d'engager un débat contradictoire, afin de préserver ses droits et l'intérêt de la justice, de prendre les mesures nécessaires et de surseoir à statuer sur la poursuite jusqu'à ce qu'il soit justifié qu'il peut exercer effectivement sa défense. »

La Cour d'appel a rappelé que les droits de la défense et le droit à procès équitable interdisent de juger une personne incapable d'assurer sa défense de manière effective.
Il faut donc comprendre de ces décisions qu'une personne souffrant d'une grave déficience de son état de santé constatée par un médecin expert, ne peut pas être jugée tant que sa situation ne s'améliore pas, et ce même si elle ne souffrait d'aucun trouble abolissant son discernement au moment des faits reprochés.